«Celui qui n’ose pas s’attaquer à ce qui est mauvais sait mal défendre ce qui est beau.» Ces mots de Robert Schuman, la France, qui s’apprête à prendre la présidence de l’Union européenne, devrait les faire siens. Car si Emmanuel Macron veut véritablement défendre le bel idéal européen, il lui faut d’abord s’attaquer à cette passion mauvaise de la déconstruction. Dernier exemple en date: la publication d’un guide écrit sous l’autorité de la commissaire européenne à l’Égalité, Helena Dalli, enjoignant notamment aux institutions européennes de ne plus faire mention des fêtes de Noël dans les documents officiels. Ainsi Noël ne serait pas «inclusif». Cette ineptie a suscité une large et légitime indignation. Elle est aussi la mienne.
C’est l’indignation d’une Européenne convaincue, pour qui l’Europe est d’abord une civilisation avant d’être une construction, une culture commune avant d’être un marché commun. Mais l’est-elle encore pour ceux qui aujourd’hui, à la Commission européenne, font le procès de Noël, et qui hier, au Conseil de l’Europe, faisaient la promotion du hidjab? Car c’est la même folie déconstructrice qui dans un même mouvement condamne nos racines et piétine nos valeurs.
Sans racines
Du reste, pourquoi s’évertuer à nier l’évidence? Reconnaître les racines chrétiennes de l’Europe, ce n’est pas trahir la cause de l’humanité, mais la servir. Car l’Europe sans racines ne peut qu’accoucher d’une Europe sans valeurs, ouverte à tous les nihilismes, offerte à tous les fondamentalismes, à commencer par le fondamentalisme islamiste.
Mais mon indignation est aussi celle d’une Française qui constate que la même injonction à ne plus être ce que nous sommes est faite à notre peuple. Elle vise d’ailleurs les mêmes symboles: le maire de Bordeaux ne souhaitait-il pas, lui aussi, congédier Noël en privant les Bordelais de leur sapin? Elle emploie le même procédé: culpabiliser, inoculer aux Français ce poison mortifère qu’est la honte. La honte de nos grandes figures, de Colbert à Napoléon, chargées de tous les crimes, déchargées de toutes leurs gloires. La honte de nos grands événements, de ces joies simples qui font la trame de l’amitié française, du Tour de France à l’élection de Miss France. Wokistes, indigénistes, idéologues verts: ils sont les nouveaux artisans de cette vaste entreprise de culpabilisation des Français. Déboulonneurs de statues, démolisseurs de rêves, ces semeurs de honte sont des briseurs de France. Car aucune nation ne peut survivre à la négation d’elle-même, aucun pays ne peut grandir en se dépossédant de lui-même. Hier comme aujourd’hui, les grands peuples sont ceux qui s’aiment assez pour se surpasser.
Je veux rendre sa fierté au peuple de France. Je veux lui redonner son droit à s’aimer. Aimer ce qu’il est et ce qu’il doit rester: libre, indomptable et généreux. Je veux être la présidente d’une fierté française restaurée. À l’école, à travers la transmission d’un récit national positif, servant l’appartenance plutôt que la repentance. Dans nos universités également, qu’il nous faut libérer des griffes de la «cancel culture» pour qu’y règne de nouveau ce goût si français pour la liberté. Je le veux au nom de ce passé qui nous oblige comme de cet avenir qui nous attend. Car la fierté française est la condition indispensable au rassemblement et au redressement de notre pays: aucune grande avancée économique et sociale ne saura possible si les Français ne se sentent pas respectés culturellement, s’ils ne ressentent pas qu’ils ont partie liée, au sein d’une aspiration nationale renouvelée. Réformer la France, c’est emmener les Français. C’est à cette hauteur-là qu’il nous faut placer le combat pour le redressement national.
Car la crise que traverse notre pays n’est pas conjoncturelle mais existentielle. Nos compatriotes se sentent dépossédés de cette vie française lorsqu’à l’effondrement de leur niveau de vie sous le poids des réformes ajournées s’ajoute l’effritement de leurs modes de vie sous les coups d’idéologues qui voudraient les effacer. Pour redonner force à la France, il nous faut restaurer la fierté française. Tel est le sens de mon engagement. Si les Français m’honorent de leur confiance, telle sera la grande exigence de mon mandat comme présidente de la République.